18 mars, 2015

Royaume-Uni : mise en garde contre des procédures de fin de vie aux mêmes failles que la loi Leonetti-Claeys

Alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter la loi Leonetti-Claeys sur la fin de vie à une majorité écrasante, le Royaume-Uni envisage des mesures qui ne sont pas sans points de similitude – et qui a soulevé des critiques que la France ferait bien d’écouter. Le projet présenté par la commission spéciale de la Chambre des communes propose en effet de mettre en place une base de données où chaque personne pourrait faire savoir sa préférence, en cas de besoin : mourir à l’hôpital, ou mourir chez soi.
L’idée d’une telle « liste de la mort » a germé face au constat que – selon des enquêtes – les deux tiers des Britanniques préféreraient passer leurs derniers jours dans leur environnement familier, mais la moitié d’entre eux meurent à l’hôpital. L’enregistrement de leurs souhaits permettraient d’éviter au moins une partie de ces situations.
Le problème, c’est évidemment de savoir à quel moment il faut renvoyer un patient à la maison, ou renoncer à l’hospitaliser. Toutes proportions gardées, le scénario est celui de l’« obstination déraisonnable » inventé dans le cadre des lois Leonetti : il s’agit de prévoir assez finement le moment probable du décès, d’une part, et de déterminer à partir de quand on cesse de prodiguer des soins lourds, disponibles uniquement à l’hôpital.
Pour le neurologue et professeur de médecine Patrick Pullicino, les mesures envisagées présentent la même « faille centrale » que le protocole de Liverpool : le Liverpool Care Pathway qui permettait de mettre en place une sédation « terminale » ou « palliative » pour les personnes dont la mort était imminente. Ce protocole permettait de mettre en place une « sédation profonde » associée à l’arrêt de la nourriture et de l’hydratation dès lors qu’il était jugé conforme à l’intérêt du patient en raison de sa mort imminente ou de ses souffrances.
On retrouve ici la même procédure médicale que celle de la loi Leonetti-Claeys, seule la prise de décision était différente puisque le corps médical pouvait imposer le protocole d’autorité, alors que la loi en voie d’adoption définitive en France prévoit que le patient lui-même puisse décider de manière contraignante une telle sédation, que ce soit au moment de la mettre en place ou par le biais de directives anticipées.
Et si j’en parle à l’imparfait, c’est que le Royaume-Uni a banni le protocole du Liverpool Care Pathway, après qu’une enquête parlementaire eut constaté de nombreux abus. Ainsi constatait-elle une insuffisance de la prise en compte de symptômes, et des recours systématiques et sans humanité, souvent sans concertation avec la famille, à des techniques qui entraînent la mort en 29 heures, en moyenne. Parmi les cas d’abus de cette procédure qui constitue alors une « euthanasie lente », il y avait ceux des deux parents d’une des membres de la commission d’enquête, Fiona Bruce. Sa mère était morte de déshydratation, dans d’affreuses souffrances, et elle avait pu faire réalimenter son père qui, six mois plus tard, était bien soigné, mangeant avec appétit et heureux de voir sa famille…
L’enquête avait fait suite à une campagne menée par des tabloïdes conservateurs, comme le Daily Mail, révélant les plaintes des familles comptant un proche mis sous sédation à l’aide d’un « gourdin chimique », puis tué par retrait de toute nourriture et hydratation.
Le nouveau plan ne vaut guère mieux, selon le Pr Pullicino. Ceux qui annoncent vouloir mourir à domicile pourrait se voir refuser des traitements nécessaires : c’est le premier des « énormes risques » que comporte une consignation des souhaits de fin de vie des patients, a-t-il souligné.
Il a également noté combien il est difficile de prédire la mort : malgré cela la question du diagnostic de la « mort imminente » n’est même pas évoquée dans la liste des « priorités » qui accompagne le rapport et ne se fonde sur aucune donnée objective. Le danger est particulièrement important, a-t-il souligné, s’agissant des personnes démentes.
On retrouve ce même flou dans la loi Leonetti-Claeys.
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